| Les mirabellesMC Solaar
 J’suis un village comme quelques autres en FranceMa naissance se situe vers la Renaissance
 Moins d'une centaine quel que soit le recensement
 Bien avant les pansements, j’n'avais que des paysans.
 J'en ai vu lutiner ou flâner ou glaner
 Des pelletés de mirabelles vers la fin de l'été.
 Je crois que l'unique chose qui a changé ma vie
 Fut l'arrivée des taxis.
 Et ils sont pleins, selon mes recoupements
 Il y a des gueules cassées, pour les blessés : prothèses et pansements
 Face à face ils se font front dans les tranchées
 Avant tout ce manège, j'étais un village enchanté.
 On ne me croit pas, ça semble irréelAvant tout ce manège, j'étais un village enchanté
 Les seuls témoins sont les mirabelles
 Avant tout ce manège
 Ils se sont préparés pour la batailleDans l'artère principale c'est la pagaille
   Ils portent des uniformes bleus, rouges, voyantsAvec montre à gousset, couvre-chefs flamboyants.
 La grosse Bertha fait face au crapouillot.
 Le flot de feu est continu, soutenu par les artiflots.
 « Comme à Valmy ! » nous répétait l’académie
 « Une bataille, des acclamations et c'est l'accalmie ! »
 Les murs ont des oreilles, c'est la fête au village
 Le théâtre aux armées nous fait découvrir le jazz
 Il y a des fanions, des litrons, du tapage
 Et cette odeur maudite le vent nous ramène les gaz
 Il y a de la joie, des pleurs, des fleurs, la peur,
 Tout à l'heure, on a fusillé un déserteur.
 Il avait ce poème dans sa vareuse
 Adieu, Meuse endormeuse.
 On ne me croit pas ça semble irréelAvant tout ce manège, j'étais un village enchanté
 Les seuls témoins sont les mirabelles
 Avant tout ce manège
 Maintenant que la guerre est passéeIl n'y a plus de soldats terrés dans les tranchées
 Les Taxis de la Marne s'en sont retournés.
 Qui aurait pu penser que j’les regretterais.
 En l'an 14 ils étaient des milliers
 Démobilisés je ne les ai pas oubliés
 J’repense au boulanger, je sens le pain au millet
 Des blessés, des macchabées mais là au moins je vivais !
 Ça fait plus d’cent ans que je n'ai plus d'habitants
 Quelques mots sur une plaque et puis des ossements.
 Je le dis franchement : c'est pas latent, j'attends
 Le retour de la vie dans la paix ou le sang.
 Trop court était l'enlisement...
 Je n'ai plus aucun habitant...
 Les mirabelles sont en déshérence
 Je suis un village mort... Pour la France.
 Allons enfants. On ne me croit pas ça semble irréelAllons enfants. Les seuls témoins sont les mirabelles
 Allons enfants. Les seuls témoins...
 Allons enfants. Sont les mirabelles.
 Allons enfants. allons enfants.
   
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